vendredi 16 novembre 2012

Celui qui parlait d'une journée de travail dans sa peau d'aspie



Pour comprendre les difficultés auxquelles je suis confronté avec le monde du travail le meilleur moyen est de voir une de mes journées types.

Une journée de travail commence pour moi dès le départ de chez moi à 7h00. Je quitte alors l’enceinte sécurisée de ma forteresse de solitude et doit me confronter à "l’extérieur".
A sept heures le matin il y a peu de monde dans les rues et la ville est très différente et beaucoup plus intime. Il y a moins de bruit, moins d’odeurs, moins de de passant,…

Bien que je possède une voiture je préfère aller travailler en transport en commun. Cela peut paraître paradoxal car je dois de fait côtoyer du monde alors que la voiture offre la sécurité d’une bulle personnelle, mais une journée de boulot peut me vider de toutes mes forces au point que j’estime peu raisonnable de conduire le soir dans les embouteillages.
Dans le bus je m’isole comme je peux des autres en me mettant les écouteurs sur les oreilles, en restreignant mon champ visuel avec une caquette ou une capuche et en me mettant si possible toujours à la même place aussi bien dans le bus que le tram. Cela peu prêter à sourire mais la place que je choisi est pour moi une place idéale aussi bien sur le plan confort, sécurité, facilité de sortie, température, luminosité et difficulté pour une autre personne de se mettre à côté de moi. Je peux me mettre ailleurs mais je ne serais pas à mon aise avec la sensation que l’on m’a « volé » ma place.

J’arrive tôt au travail (7h40-45) et ce bien que je ne puisse pas commencer à travailler avant 8h (heure où l’informatique démarre) et que je bénéfice d’horaires d'embauche souple jusqu'à 9h30. Mais pour moi 8h est une barrière que je ne dois pas dépasser. Si j’arrivais après 8h j’aurais la sensation d’être très en retard alors que je peux embaucher jusqu’à 9h30. Arriver tôt me permets de me mettre en place et tranquillement organiser ma journée à venir avant l’arrivée de la foule des collègues.

De 8h00 à 9h30 c’est une période inconfortable car l’ensemble du service arrive au compte goûte et je suis interrompue dans mon travail toute les 5 minutes par quelqu’un qui vient me dire bonjour et échanger quelques mots. Je supporte ceux du "cercle intérieur" dont j'apprécie la présence et les histoires mais les autres me dérangent car ces allées venues m'empêchent de me concentrer.

Travailler en soit n’est pas difficile pour moi ce qui est difficile c’est les nuisances et perturbations périphériques : appels téléphoniques, conversations des autres, demandes non prévues, bruits de fond, lumière des néons, rires, etc...
Tout ces petits détails qui peuvent paraître anodin et marrant aux neurotypiques me sont souvent dur à gérer. Quand toutes ces nuisances ce combinent j'ai l'impression de devoir maintenir ma concentration pendant une tempête ou un concert de hard rock... Résultat mon cerveau doit passer en sur-régime pour compenser et je me fatigue.
Pour lutter contre ces nuisances j'ai souvent recours à des bruits rythmiques comme par exemple taper avec un doigt sur le bureau au rythme de mes pulsations cardiaques. Cela a un effet apaisant sur moi.
Qui plus est, depuis plusieurs mois je me retrouve dans un bureau totalement inadapté à mon cas. Suite à des travaux ma fenêtre a été muré et je n'ai qu'un néon pour m'éclairer. Cela ne devait durer que quelques mois mais cela s'éternisent cruellement et génère chez moi une fatigue non négligeable. Devant la promesse d'un nouveau bureau d'ici deux à trois mois je prend mon mal en patience tant bien que mal...

S’en suit alors la traversé de la matinée jusqu’à 11h45, heure où la cantine ouvre et où l’on peut aller manger. C'est à la fois une délivrance et un moment délicat pour moi. 
Je déteste les lieux où sont concentrés trop de personne et ou règne trop de bruit comme le brouhaha de dizaine et de dizaine de conversations simultanées. Dès que deux ou trois conversations ou plus se tiennent dans une pièce je n'arrive plus à me concentrer sur aucune d'entre elles. Mon cerveau par en vrille et essaie de les suivre toutes à la fois pour finir par bugger. Pour le remettre en marche et regagner ma concentration je dois faire abstraction de tout ce qui m'entoure et si possible fixer mon regard sur l'extérieur en regardant par une fenêtre. Là où je travaille, la cantine est super bruyante et donc très inconfortable pour moi. Résultat je suis obligé d'essayer d'y aller le plus tôt possible avant que le gros de la foule n'arrive et pour cela j'ai été obligé de faire croire à mes collègues que j'étais toujours affamé et donc que je voulais toujours manger de bonne heure. Eux ce bruit et ce brouhaha ne les gêne pas plus que cela. Je préfère qu'ils pensent que je suis un morfale plutôt que j'ai un grain...
Après le repas et avant de reprendre le travail je prend un café avec mes collègues mais j'ai du mal à me mêler à leurs conversations trop nombreuses à la fois et bien souvent je suis encore épuisé de l'ambiance de la cantine. Pour éviter d'avoir le cerveau qui décroche je dois encore plus me concentrer ou alors je me déconnecte en fixant mon cerveau sur un objet ou un bruit.

Je reprends ensuite le travail pour l'après midi. Je suis de nouveau confronté aux nuisances et perturbations périphériques mais je fais avec, même si ma concentration est toujours mise à rude épreuve. Résultat à 17h00, bien que je voudrais continuer à travailler je suis littéralement épuisé. J'ai le cerveau vidé, les yeux rouges et les traits tirés. Je suis obligé de partir de bonne heure faute de pouvoir rester car de toutes façon mon efficacité décroît proportionnellement avec mon niveau de fatigue.

Après une heures de transport en commun où je recommence mon rituel du matin (isolement et recherche de la place idéale) je peux enfin rentrer chez moi vers 18h dans un état de très grande fatigue avec le cerveau en surcharge totale.

J'ai alors besoin d'une bonne demie heure de silence et d'isolement couché sur mon canapé bercé par les ronronnement de mon chat que je caresse pour relâcher la pression et ramener mon cerveau à un régime normal. La fatigue de la journée disparais comme par enchantement.

Voilà mon quotidien. Rien d'insurmontable si je parviens à maintenir mes défenses et ma discipline mentale tout en respectant mes limites.

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